ZAC des Isles
« Une petite maison ornée d’une glycine, d’une véranda, et prolongée jusqu’aux prairies d’un verger rose. Une rivière marécageuse croupissait par derrière, à vingt pas du portail, sauf l’hiver où le torrent des crues emportait ses fanges en bouillonnant contre les saules » : ainsi écrivait Marc Elder, futur prix Goncourt 1913 s’agissant des lieux de son enfance à la fin du XIXe siècle sur les bords de Loire, à Trentemoult. Une époque où les grands voiliers remontaient et descendaient le fleuve et où l’essentiel de la population – marins, charpentiers de navires, ravaudeuses de filets – vivait de la pêche, un droit ancestral obtenu du duc Jean IV de Bretagne dès 1397. Un autre auteur plus récent, Jean-Claude Montel écrit en 1985 dans son livre « l’enfant au paysage dévasté » évoquant son enfance après la seconde guerre mondiale : « notre territoire commençait à la petite gare de Pont-Rousseau, au pont dit de chemin de fer, jusqu’à Norkiouse. Celui de l’enfant, plus petit encore, à l’endroit où la route venait toucher presque la rive du fleuve, au lieu-dit : la Basse-Ile. (…) De l’autre côté, au sud, s’étendaient les jardins, les vergers puis les champs jusqu’au fin réseau des boires plantées d’oseraies et de roseaux, que la marée montante venait irriguer chaque jour (…). La seule industrie, sur ces berges, était constituée par deux ou trois chantiers de constructions navales à demi détruits, où nous errions parmi les bateaux de pêche abandonnés là, et qui pourrissaient sur le flanc, face aux grands cargos aux couleurs fraîches et vives, venus d’Amérique ou d’Afrique apporter le bois, le charbon, les phosphates, les agrumes dans un ballet incessant de remorqueurs, de sirènes et de cris. »
Le décor est planté. Plus tard, le marécageux Seil comblé et remblayé devait laisser place à des industries (savonnerie, suifferie, métallurgie, transports etc…). C’était le prix à payer pour assurer le développement d’un sud Loire assistant jusqu’alors impuissant au développement économique du port de Nantes, une ville qui ne regardait depuis un siècle Rezé que comme un territoire à annexer pour effacer ses villages et leur substituer des quais aménagés venant compléter les installations endommagées par les bombardements. Les industries implantées sur l’actuelle ZAC des Isles, voulues par Jean-Baptiste Vigier dès 1918, concrétisées par Alexandre Plancher en 1962, avec la création de la zone industrielle correspondant au site « Atout Sud » d’aujourd’hui, se voulaient une réplique au sud Loire des industries portuaires du nord Loire. La disparition de la construction navale nantaise en 1987 et le désengagement progressif du grand port maritime effaçant ses installations sur les quais au début des années 2000 jusqu’à ne conserver que la zone de Cheviré ont peu à peu opéré une profonde mutation de ce territoire des bords du fleuve. Les villages ouvriers des îles de Rezé ont connu concomitamment une profonde mutation sociologique installant une nouvelle population plus résidentielle, plus autonome. L’émergence du grand projet de l’île de Nantes, le débat sur la Loire lancé par Nantes Métropole en 2014 ont dessiné les enjeux pour notre avenir commun de part et d’autre du fleuve, intégrant toutes les dimensions du fleuve, de son rôle dans les échanges humains jusqu’à sa place dans notre environnement.
La concertation menée avec les habitants depuis 2015 a montré l’intérêt que portent à juste raison nos concitoyens sur l’aménagement et la transformation d’un vaste espace aujourd’hui vécu comme inorganisé, des villages coupés de la ville, au sud, par des activités économiques, la friche laissée par les anciens abattoirs, la route de Pornic. La qualité de vie, le concept de ville-nature imaginé et décliné pour ce site de Rezé par l’architecte urbaniste Frédéric Bonnet sont des éléments cruciaux devant être pris en compte dans les futurs projets urbains comme dans l’aménagement de l’espace public. C’est pourquoi les élus communistes partagent les objectifs définis lors de cette concertation préalable :
- Mettre en valeur les qualités paysagères des lieux en développant une forme urbaine adaptée au contexte des bords de Loire, tant sur le plan paysager qu’hydraulique prenant en compte les zones inondables,
- Renforcer la trame paysagère d’ensemble,
- Réaliser de nouveaux quartiers mixtes caractérisés par la qualité des espaces publics et un bon niveau de services et d’équipements urbains
- Assurer la desserte des nouveaux quartiers en reliant le territoire aux polarités existantes et aux réseaux structurants de déplacements. L’enjeu de cette opération d’envergure est ainsi de poursuivre le développement urbain de la centralité métropolitaine.
Ce projet est au cœur de l’agglomération nantaise. Il doit donc être un projet de cœur d’agglomération. Il doit nous conduire à redessiner la ville, à recoudre le paysage, à restituer un quartier où la nature et la Loire auront toute leur place, un quartier à forte dimension paysagère.
Écrivant ses origines nantaises, Jules Verne, dont on célèbre le 190e anniversaire, évoquait les trois-mâts de son enfance en ces termes : « en imagination, je grimpais à leurs haubans, je me hissais à leurs hunes, je me cramponnais à la pomme de leurs mâts ! Mon plus grand désir eût été de franchir la planche tremblotante qui les rattachait au quai pour mettre le pied sur leur pont ».
Julien Gracq dans « la forme d’une ville » fait écho à Jules Verne épris de grands horizons quand il traite de « ces lisières des villes, en fait des espaces de rêves en même temps que des zones de libre vagabondage"